jeudi, janvier 06, 2005

Reportage. Drogue, Au cœur du trafic

La route du kif
Le Maroc, c’est désormais admis par les moins audacieux des officiels, est le premier producteur mondial de cannabis. Si cette industrie était légale et sujette à impôt, elle constituerait, à n’en pas douter, la première ressource du royaume. Mais ce n’est pas le cas. Au lieu d’être une région économiquement florissante, le Rif est gangrené par les mafias et pourri par la corruption. Ce n’est peut-être plus une république, mais ce n’est pas vraiment le royaume non plus - à en juger, en tout cas, par l’allégresse avec laquelle tout le monde viole la loi. Le Rif est une collection de petites principautés gouvernées par des codes propres, des mentalités propres, et des structures économiques particulières. C’est à Ouezzane que l’aventure commence. Elle nous mènera jusqu’à El Hoceima, en passant par Chaouen, Ketama, puis Taounate, pour enfin redescendre sur Fès. Un périple de près de 1500 kilomètres, en 6 étapes. Attachez vos ceintures.

Parcourant près de 1500 Km au cœur du Rif, notre envoyée spéciale est allée à la rencontre d'une population dont le trafic de drogue est l'unique raison d'être. Plongée dans un monde que vous ne soupçonnez pas.
Étape 1 : De Ouezzane à Dardara
La province de Ouazzane a intégré le circuit de production vers la fin des années 90. Auparavant, c’était un simple point de transit du kif vers le sud (Marrakech, Kelaat Sraghna) et du hashish vers le centre (Kenitra, Rabat, Casablanca).
Dans cette petite ville où tout le monde se connaît, le passe-temps favori des hommes n’est pas le haschich mais l’alcool, deux fois plus cher que dans n’importe quelle autre ville du Maroc. La bouteille de bière, vendue 8 DH à Casablanca, en vaut 15 à Ouezzane.En réalité, c’est à la sortie de la ville, 8 kilomètres plus loin, que le circuit commence ; à Asjen, un petit patelin qui vivait jusqu'à la fin des années 90 de la culture de l'olivier. Depuis l’avènement de la culture du cannabis dans la région, l'endroit est sorti de l’anonymat. Mais l’aubaine n’a pas duré. La campagne d’assainissement menée en mai dernier conjointement par les autorités et l’Agence du nord a vite renvoyé le village à ses origines de privation.Dans cette petite localité aux allures humbles et miséreuses, gît un des plus grands saints juifs, Rebbi Amram Ben Diwane. Un immense sanctuaire. Le tombeau du saint est entouré de dizaines de maisons, toutes construites par les pèlerins. Jusqu’à l’année dernière, Asjen cultivait encore le cannabis, avant que les autorités ne viennent détruire ses rêves de fortune. Les plantations arrivaient alors jusqu’aux bordures des routes. Depuis, privé de cette culture salutaire, Asjen s’est transformé en une sorte de parking de voitures volées, utilisées par les transporteurs de cannabis. C’est ici qu’elles prennent le départ. Direction Aïn Slama, pour le chargement.Aïn Slama est le dépôt le plus proche de Ouezzane. Une fois sur les lieux, il suffit de s’écarter de la route, vers l'oued, pour tomber sur les khzayen (hangars de stockage des productions locales et celles acheminées des terres intérieures). D’ailleurs, les maisons sont toutes construites sous forme de hangars. Ain Slama cultive encore le cannabis. Cependant, ayant retenu la leçon de la campagne de mai 2004, les villageois se contentent de cultiver sur les bordures de l'oued, à quelques 2 km à pied de la route. Les transporteurs s’y fournissent autant en kif qu’en résine de cannabis.Chaque voiture charge 6 colis de kif, 8 pour les plus audacieux, en plus de 2 colis de résine, pesant chacun 30 kilos. La région de douar Ouezzane fournit essentiellement le sud via Marrakech et Kelaât Sraghna. Les convois sortent vers 8 heures du soir pour arriver à Marrakech aux alentours de 1h du matin. Ou plus correctement dans les villages avoisinants, dont les plus importants sont Sidi Bou Othmane, douar Si Ahmed, et Ould Ben Abdellah..De Ain Slama, les voitures partent en direction de Brikcha. Devant passer par Zoumi, la première grande zone de production de cannabis à 60 km de Ouezzane, ils se retrouvent a l’intersection de deux routes. Les transporteurs, qui ont leurs habitudes avec les gendarmes de Zoumi, prendront la route de gauche, à partir de l’intersection de Brikcha. Les autres, qui n’ont pas leurs entrées, bifurquent par la route de droite qui ramène à Ouezzane. Pour en ressortir, deux options s’offrent encore à eux. Payer le droit de passage à 200 DH, ou emprunter une petite piste, qui prend naissance dans la ville même, et, contournant le barrage des gendarmes, débouche deux kilomètres plus loin sur la route principale. A noter cependant que cette piste n’est pas inconnue des gendarmes. Seulement, ils n’iront y jeter un coup d’œil que si la recette quotidienne est insuffisante. C’est également par Brikcha que transitent les cargaisons en provenance des terres intérieures. Elles sont ensuite stockées à Aïn Slama.Ces voitures, en partance de Ouezzane, empruntent la route de Souk El Arba, où un autre barrage les attend. C’est encore une fois le droit de passage. Pour l’éviter, elles prennent une seconde piste, de Mzefroun, qui commence 4 kilomètres avant ledit barrage et mène à une sortie, 4 kilomètres plus bas. Le deuxième barrage est à son tour contourné. Le plus dur est déjà derrière eux...Proie facile des autorités, les petits transporteurs évitent le passage par Zoumi (terre de la tribu des Messara). Une zone extrêmement surveillée, à l’image de toutes les grandes stations de production. Le passage y est aussi risqué en raison de son arrivée récente dans la culture cannabique (vieille de six ans dans le meilleur des cas). Dans toute cette région, les gens sont inhospitaliers et très méfiants à l’égard des étrangers. La misère et l’indigence des décennies durant, avant l’avènement du cannabis en ont fait des hommes violents, et sans savoir-vivre. On serait tenté de comprendre le mépris avec lequel les grihiyines (Ketamiyines) les traitent. De fortune récente, ils s’adonnent à tous les plaisirs et n’ont de respect pour aucune forme d’autorité. Vous les croiserez au détour d’un virage, avec leur bière qu’ils boiront avant de jeter la bouteille sur la route. Ce sont de gros consommateurs de cannabis, mais aussi de cocaïne.En dépassant Zoumi, deux grands villages de producteurs (Bouqerra et Beni kaoulech) symbolisent la richesse des parvenus du cannabis. Vivant essentiellement de l’herbe, ces localités abritent aussi la tribu natale de quelques gros distributeurs. Beni Kaoulech est sur la limite du territoire des Ghmara (pré-Ketama). Trait commun à ces villages menant à Dardara (Bouqerra, Beni Kaoulech, Mokhrissat, Fifi), les rituelles mille et une couleurs kitsch qui recouvrent la façade des bâtiments. Et beaucoup n’ont pas pu finir leurs travaux de construction. La campagne d’assainissement de l’année dernière a profondément lésé les agriculteurs. A court d’argent, ils ont reporté les travaux à des jours meilleurs.
Étape 2 : Dardara, Talembout via Chaouen
En quittant la région de Zoumi, en direction du nord, c’est Dardara qui vous attend. Le rond point le plus célèbre du Maroc cannabique. Daradara est le seul véritable point de contrôle qui ait survécu aux mesures de "mise en quarantaine" entreprises suite au Dahir de 1958, dahir par lequel Mohammed V autorisait la culture du cannabis dans la région de Ketama. La Régie des tabacs était alors le seul acheteur autorisé, chargé cependant de brûler les récoltes après les avoir achetées. Pour plus de sûreté, la région était entourée de fils barbelés. Petit a petit, ces derniers ont disparu, cédant la place à de multiples postes de contrôle. Avec le temps, ces derniers se sont eux-mêmes raréfiés, perdant de leur efficacité ou, plus justement, de leur sérieux. Aujourd’hui, seul le barrage de Dardara est réellement craint par les convois destinés à la consommation marocaine. Dardara, poste convoité par tous les gendarmes de la région, est une véritable mine d’or. A ce titre, un proverbe usuel dans la region en est la meilleure illustration : "un gendarme à Dardara vaut mieux que sept wouzara (ministres) ". C’est par Dardara que transitent les grosses cargaisons, généralement transportées dans des camions et des estafettes Mercedes 207. Nul besoin de préciser que les yeux se ferment à leur passage.En poursuivant la route nationale vers le nord, on atterrit dans le territoire de la résine chawniya. Un haschisch de moyenne qualité qui fournit l’essentiel de la production en circulation dans la région de Tanger et de Ksar El Kébir. Une bonne partie est également destinée à alimenter les convois à l’export en partance de Ksar Seghir.Chaouen est la plus grande ville de la région. Petite cité au charme discret et serein, elle est une grande station touristique où le haschisch est fumé dans les rues, sur les terrasses des cafés, tout naturellement. Essayez toujours de dire à un Chaouni que la consommation du cannabis est illégale, il vous rira au nez.Toujours vers le nord, le village de Talembout regroupe les terres les plus fertiles, du fait de la proximité du barrage du même nom. Au-delà, les cultures fournissent ce que les initiés appellent khra bgar (crotte de vache) pour résumer la qualité du cannabis qui y pousse.
Étape 3 : De Dardara à Issagen
Le premier grand périmètre de production après le barrage de Daradara, est occupé par la tribu des Beni Zaid, dit aussi 72. La région de Bab Taza est réputée pour la qualité de son tabac, le meilleur du Maroc, dit-on. D’ailleurs, c’est là qu’une bonne partie des producteurs de drogue locale s’approvisionnent pour fabriquer les chqoufa de kif (comprendre la substance et non la plante). Une fois à Bab Taza, commence la véritable mine marocaine de cannabis, celle du haut de gamme. Elle est dite ghmariya ou ketamiya. Dans les faits, la ghmariya comprend elle-même plusieurs variétés dont la khemsiya, la himdiya, chacune renvoyant à une tribu.Parmi les plus réputées, on note la tribu de Beni Hmed, d’où la résine himdiya. Les Beni Hmed ont fait leur baptême vers la fin des années 80. La famille la plus connue et respectée de la tribu est dite les Oulad T. Respectée, mais aussi très aimée pour sa bonté et sa générosité. La main d’œuvre préfère travailler pour elle parce qu'elle la paie mieux et lui offre de meilleures conditions de vie.En poursuivant la route de Beni Hmed , on retrouve ce qui serait le premier village où a été historiquement cultivé le cannabis au Maroc, Douar Bouhella. La plante y aurait atterri dans les années 40. Juste après Bouhella, environ 3 km plus loin, se trouve le village des Chrafate. Le village est réputé pour ses grottes. A l’entrée de l’une d’entre elles, une image gravée à même la roche par la nature, mettant en relief une femme, portant un bébé sur le dos et entourée de quelques brebis. La légende raconte qu’elle a été emmurée après avoir désobéi au prophète. Celui-ci serait arrivé au village. En croisant la bergère, il lui aurait ordonné de taire le secret, mais cette dernière, ne pouvant contenir sa joie, aurait lâché des youyous provoquant la colère du prophète. Hors de lui, ce dernier se serait écrié : "Que tu sois emmurée ! " (llah yaatik el qebbas).Mais Chrafate a d’autres vertus que les locaux se font une fierté de vous ressasser. "C’est la patrie des belles femmes et de la bissara (soupe d’haricots)". Ils oublieront cependant de vous dire que c’est une terre extrêmement brumeuse. Le brouillard y est si épais qu’il est réellement impossible de voir au-delà du bout de son nez. Il faudra avancer jusqu’à Khmis el Medieq pour retrouver la clarté.A Khmis el Medieq, vous dégusterez la résine dite khemsiya, d’une texture plus fine que les précédentes couleur jaunâtre, contrairement à la production messariya (de Ouazzane, Zoumi, Mokhrissat) qui vire vers des tons rougeâtres.A gauche de Khmis el Medieq, une route secondaire mène à Assifane, 16 kilometres plus au nord. Une autre grosse région de production. Assifane, patrie des Ghmara, a sa légende aussi, pour expliquer le caractère sec et impitoyable de ses gens. Au milieu des années 40, elle était régie par un caïd du nom de Ben Haddou, à la solde de l’administration coloniale. Cette année-là, le pays étant dévasté par la sécheresse, les villageois connurent une famine insoutenable. Ils se nourrissaient de la seule plante qui poussait encore sur leurs terres, la yerna, qu’ils cueillaient et séchaient et, une fois moulue, s'en servaient pour faire du pain. Au moment de cultiver les champs, l’administration envoya des semences et chargea Ben Haddou de les distribuer. Chose qu’il fit, en mettant toutefois en garde les villageois d’en faire un autre usage. Mais la faim fut plus forte que la peur. Les Ghmaras utilisèrent les semences dans la fabrication de leur pain quotidien. à la saison des moissons, Ben Haddou convoqua les habitants du village et demanda à voir les récoltes. Il savait pourtant que les villageois n’avaient pas cultivé leurs terres cette année -là. Alors, pour les punir, il leur ordonna de ramasser les mauvaises herbes épineuses qui avaient poussé sur les terres. Ils fit ligoter ses "sujets" les uns aux autres avec des cordes et les obligea à moudre les mottes, en marchant dessus pieds nus.Depuis, les villageois ont développé une haine pour toute forme d’autorité, et sont devenus sans pitié. Le dicton né de l’incident a traversé le temps pour devenir une règle. "R’hem Ben Haddou (aie pitié de Ben Haddou) … et la réponse du Ghmari est : "Llah yenaal jeddek ou jeddou" (que Dieu maudisse tes ancêtres et les siens).En fait, à partir de Bab Taza, on entame le périmètre des vétérans de la culture de cannabis. Et qui dit ancienneté dit maîtrise de la logistique. Les producteurs (très gros, contrairement à la région de Zoumi et Ouezzane, où les superficies de culture ne sont pas conséquentes et où les petits agriculteurs louent des lopins de terre pour les cultiver) peuvent vous livrer la marchandise dans la région de votre choix sur le territoire marocain, si vous avez les moyens d’en payer le prix. Chaque patelin a ses propres garages (garajate dans le jargon local). Le kif y est transformé en résine de cannabis par centaines de kilos. Les coups de bâton de la "dersa" résonnent fort et créent un rythme au gré de l’humeur des travailleurs.De retour à Khmis El Mdieq, la route aboutit au village de la marijuana dont un originel a importé les graines du Pakistan, il y a quelques années : Laanacer. Un petit café situé en bordure de route vous servira au choix, du haschisch, de la marijuana ou encore de la cocaïne. Et sur toute la route, de petits revendeurs, cachés derrière les rochers surgissent au passage de chaque véhicule. D’autres vous suivront en voiture, convaincus que quiconque emprunte ces routes est forcément un client. Laanacer est la dernière grande station avant d’atteindre ce qui serait le plus gros centre de distribution du pays, Bab Berred. Ici, la grosse distribution est partagée entre trois grands parrains autour desquels évoluent de petits revendeurs.Mais pour les professionnels, Bab Berred a un autre attrait. Le plus gros rassemblement de main d’œuvre de la région. C’est ici que les producteurs viennent s’approvisionner pour la moisson et le battage. On parle de dizaines, voire de centaines de travailleurs, embarqués dans des camions et payés entre 80 et 200 DH la journée.Les camions partent alors en direction de Issagen, en passant par le village de Satan (chitane) en référence au surnom de son parrain. Cet homme a en effet construit son propre patelin, sur les deux bords de la route. Et pour faire les choses dans les règles, il a placé des panneaux de limitation de vitesse (40) à l’entrée et à la sortie. L’homme inspire la peur par sa malice et par sa cruauté. On vous racontera qu'il embauche des ouvriers pour le travail du kif, qu’il les nourrit et les loge durant toute la période de travail, mais qu’il ne les paiera jamais. Et personne n’ose se frotter à lui. Certains iront même jusqu’à vous assurer qu’ils en a liquidé quelques-uns, pour l’exemple. Chitane est un Grihi (Ketami) et son village annonce la proximité du fief ketami d'Issagen.

Étape 4 : De Issagen à Oued Laou, via Al Hoceima
Sur les cartes routières, Issagen est à l’intersection de deux routes. La première, partant vers le sud conduit à Ketama. La seconde se poursuit en direction d’Al Hoceima. C’est cette dernière qu’empruntent les convois en direction de l’oriental et de l’Algérie. Extrêmement surveillée car c’est à l’origine la route de la contrebande. Les camions de marchandises en provenance de Oujda, de Nador,d' Al Hoceima ou du nord dans l’autre sens, passent immanquablement par là. Ce qui complique la tâche aux trafiquants de drogue. Il arrive souvent qu’un contrôle destiné à prévenir la contrebande débouche sur la découverte d’un trafic de cannabis. C’est ici qu’intervient l’imagination des transporteurs. Objectif : berner les contrôles. La technique est dite dekkaka. Ainsi, ils feront souvent croire à des déménagements. Ils achèteront des meubles usés et y dissimuleront le chargement. Sinon, pour des transports en voiture, c’est l’aventure (al moughamara) : le chauffeur est accompagné d’un copilote, dit "grissoune". Celui- ci tient toujours à portée de main, des bouteilles vides et des pierres. En arrivant au poste de contrôle, le chauffeur accélère et le copilote se charge de retarder les gendarmes en cas de poursuite, en jetant les bouteilles de verre et les pierres dans leur direction. Profitant du retard pris par ses poursuivants, le chauffeur s’arrête quelques kilomètres plus loin. Les deux passagers emportent autant de cannabis qu’ils peuvent et disparaissent dans la nature. A leur arrivée, les gendarmes se retrouvent avec une voiture sans papier, une fausse plaque d’immatriculation et un numéro de châssis effacé. En plus, ils auront abandonné leur poste, laissant la voie libre à d’autres cargaisons. Il est cependant rare que des poursuites aussi spectaculaires soient engagées.Arrivées à Al Hoceima, les cargaisons prennent chacune un itinéraire différent en fonction du lieu de déchargement. Une fois à Oujda, des passeurs spécialisés dans les frontières se chargent de l’acheminer de l’autre côté, pour pas cher d’ailleurs. Le chauffeur paiera 100 DH pour le militaire marocain et autant pour l’Algérien, rapporte-t-on.Mais sans doute, le plus gros du trafic en partance du Maroc transite par les côtes méditerranéennes. Les points de passage commencent bien avant Al Hoceima. Et le point de départ est Jebha. Une petite ville côtière que l’on peut localiser sur une carte en traçant un triangle isocèle, prenant pour angles de la base Bab Taza et Issagen, Jabha étant à la pointe.Jebha est le premier d'une série de points qui longe la côte jusqu'à Sebta, avec une concentration sur la première moitié, et qui s’arrête à Oued Laou. Ces points jonchent une route sinueuse surplombant la côte. Elle est en outre truffée de militaires, à raison d’un poste tous les kilomètres pour dominer le paysage. Trop à découvert le jour, les trafiquants attendent toujours la nuit pour charger les embarcations. Tous des hors-bord, dont le haut de gamme est désigné par le nom de "fantôme", et le bas de gamme (gonflable) par le mot "l’gouma". Le déchargement des voitures se fait sur la route-même. Cette dernière s'élevant à quelques centaines de mètres au-dessus du niveau de la mer, ce sont les habitants des villages avoisinants qui se chargent de faire parvenir la cargaison jusqu'à l’embarcation. Pour 500 DH chacun, ils dévalent la falaise sans difficulté, à raison d’une personne par "porto" – colis de 25 kilos de résine. Ici, on ne lésine pas sur l’argent, l’objectif étant de faire le plus vite possible. "Il arrive souvent que les militaires eux-mêmes aident au déchargement. Certains pour de l’argent, d’autres demanderont simplement qu’on les fasse passer en Espagne", confie un habitant de Taghassa, deuxième point de transit après Jebha. Un petit paradis balnéaire, où le luxe des petites villas tranche avec la simplicité des villages avoisinants. Certaines de ces maisons secondaires appartiennent à des trafiquants, d’autres à de hauts gradés de l’armée. C'est aussi le cas à Amtar, le village suivant. En avançant en direction de Tetouan, on arrive à la plage des Stihate. C’est dans cette partie de la côte que débarquent les cargaisons de cocaïne en provenance de l’Europe.La nuit, dans les villages voisins, si la chance est au rendez-vous - la prudence aussi- vous pourriez assister à un spectacle sans égal : des barils d’eau de mer, que l’on met à bouillir à feu doux pour en extraire le sel. L’eau évaporée, le sel reste collé aux parois du baril. Ce sel servira à couper la cocaïne commercialisée sur le territoire marocain.Stihate est également bordée par la forêt. Et les militaires se partagent la surveillance du territoire avec les gendarmes et les forces auxiliaires. Stihate est une importante station estivale, fréquentée durant l’été par la bourgeoisie tangéroise et tétouanaise.Toujours sur la côte, la dernière grande station est Targa. Cependant, la surveillance militaire reste aussi intense jusqu'à Sebta. Plus loin, on s’achemine vers Ksar Seghir, probablement le plus ancien point de traversée vers l’Europe.
Étape 5 : De Issagen à Fes
Retour à Issagen. Le village se situe au niveau d’une intersection où prennent naissance deux grandes routes. Une première en direction d’Al Hoceima via Targuist. La seconde, elle, descend vers le sud en direction de Fès. Cette dernière est la route de Ketama. A partir de là, vous aurez beau tourner vos yeux dans toutes les directions, une même inscription attirera votre attention : "Bienvenue à Ketama", griffonnée sur tous les panneaux d’indication. Vous êtes au cœur du Maroc cannabique, là où sont nés les plus gros producteurs du pays. Ketama, Al imarate, Madinat ejjaj (la ville de verre), l’Europe, on l’affuble d’un tas de titres et de qualificatifs. Ses habitants originels sont les Grihiyines, ceux-là même que les gens de Ouezzane et de Chaouen haïssent. Fiers, confiants en eux-mêmes, chaleureux mais très prudents et surtout très intelligents. En raison de leur longue expérience dans la culture et la commercialisation du cannabis, ils sont les premiers à trouver les combines les plus ingénieuses pour contourner les obstacles et berner les autorités. à partir d'Issagen, se succèdent des dizaines de villages et de douars où se dressent d’immenses garages de stockage et de battage de cannabis.A Issagen, la circulation reprend subitement toute son intensité. Ici, les barrages de gendarmes contrôlent rarement les gros véhicules. Les petits seront souvent appelés à s’arrêter pour vérification de la destination ou un simple contrôle d’identité, le tout, dit-on ici est "de ne pas se laisser déstabiliser". Du reste, les Ketamiyine maîtrisent parfaitement l’art du camouflage. Dans chaque maison, un garage est réservé au chargement des voitures par des professionnels. Des mécaniciens spécialisés qui démontent le châssis, y placent la marchandise et referment. Et pour la touche du maître, les ketamiyine ont trouvé le moyen de neutraliser l’odorat des chiens - lors du passage en douane. Deux recettes sont d’usage. La première simple et primaire consiste à placer un morceau de viande d’un chien mort. Le chien des douaniers rebroussera automatiquement chemin, effrayé par l’odeur de la mort. La deuxième, plus élaborée, consiste à fabriquer une pâte pour la soudure du châssis. Un mélange d’ail, de poivre fort et de talc. Pour rendre la pâte compacte, on rajoute de la paraffine, et le tour est joué.Dans la pratique, les gendarmes sont totalement incapables de reconnaître les voitures chargées. Alors ils jaugent, très regardants quant aux détails. Sur toute la route, de petits détaillants- souvent les adolescents des environs- vous interpellent. Ils vous proposent de la "bonne", vous invitent chez eux. Certains vous poursuivront en voiture des kilomètres durant. Une manière comme une autre de ne pas rater un client potentiel. Première station après Issagen : Tlate Ketama. C’est ici que se tient le marché hebdomadaire de la région, les mardis. à Ketama, chaque douar est constitué par une seule et unique famille, propriétaire de toutes les terres qui l’entourent et les alliances entre familles – par mariages interposés – sont courantes. Les plantations ont depuis longtemps dévasté les forets, arrivant jusqu’au sommet des montagnes dans certaines zones. Résultat, quelques bêtes, notamment le sanglier, ont totalement disparu de ces hauteurs. Les Ketamiyine reçoivent naturellement les étrangers, les logent et les nourrissent, et se font une fierté d’exposer leur savoir-faire. L’autorité est une notion qui n’a aucune valeur à leur yeux. Chacun touche sa part du gâteau (l’paille dialou). Ils n’oseront pas ouvrir la bouche. D’ailleurs, les barrages placés aux issues de chaque village seraient techniquement incapables de contrôler tous les véhicules, sous peine de paralyser totalement la circulation. Tlate Ketama, Bizi, Ikkaouen… Autant de villages routiers ou les paysages, le langage, les usages et les techniques se ressemblent. Mais ils ne sont jamais que la partie apparente de l’iceberg, les champs s’étendent jusqu’aux fin fond de la montagne. Et en pénétrant dans les champs, à travers les pistes, on se retrouve souvent face à des maisons et autres chalets dont on ne soupçonnerait même pas l’existence. La terre, et partant, l'herbe ketamiya prend fin aux environs de Taounate Leqchour. Les barrages disparaissent. La route est alors libre jusqu'à Fès.
Étape 6 : De Fès à Ouezzane
Il y a encore trois ans, Fès était alimentée en herbe ketamiya pour la simple et unique raison que les cargaisons transitaient par la ville en direction de Meknès, Kenitra, Rabat et les autres villes du centre. Mais les temps sont de plus en plus durs, au point que les locaux n’arrivent même plus à trouver de cannabis pour leur consommation personnelle. L’étau s’est resserré avec l’élargissement rampant des zones de production. A l’image de l’évolution enregistrée en terre ouezzanie, la culture du cannabis a gagné du terrain depuis la fin des années 90 dans la région de Fès. Les nouveaux champs s’étendent jusqu’a Ghafsai, un peu au nord de Fès. Le foisonnement des plantations a alerté les autorités, qui se sont empressées de reprendre le contrôle de l’activité. Ici, la distribution est tolérée, pas la production. Preuve en est que les grands dépôts de la région n’ont pas été touchés par la fièvre de l’assainissement. La première et la plus célèbre dans la région est Qariate Ba Mohammed, située sur la route secondaire menant à Ouezzane. L’essentiel de ses stocks proviennent des terres Ghzawiya, à laquelle est venue s’additionner la zeroualiya, plantée dans la région de Ghafsai. L’acheminement de la résine vers le village se fait autant à pied qu’en voiture. A noter cependant que les distributeurs de Qariate Ba Mohammed sont toujours aussi attachés aux bonnes vieilles recettes : les mulets. à juste titre d’ailleurs, puisque l’itinéraire s’y prête : des centaines de pistes permettent en effet d’accéder à toutes les zones de production sans aucun besoin de rejoindre les routes principales. Le risque n’émane plus de l'état, mais de la criminalité locale. Les routes empruntées passent immanquablement par la forêt, territoire des bandes spécialisées dans le braquage des convois de cannabis. Le voyage pouvant durer plus de deux jours, les passeurs sont toujours munis d’armes à feu ou, pour le moins, de poignards mi-matraques, mi-faucilles. En quittant Qariate Ba Mohammed vers le nord , on croise un autre centre de distribution, moins important cependant, Fès El Bali – à ne pas confondre avec l’ancienne médina de la capitale spirituelle.Il faudra redescendre vers le sud pour trouver le dernier gros centre de distribution au-delà duquel la tolérance publique cesse. Bienvenue à Jorf El Melha, située sur une plaine, aux abords du barrage d’Al Wahda. Le lieu tire son importance de sa position géographique, à la croisée des chemins en direction de Fès, Ouezzane, Rabat et Chaouen.Une grosse opération de nettoyage y aurait été menée l’été dernier – en marge de la fameuse campagne d’assainissement- forçant ses parrains a quitter le village, le temps que la tempête passe. Mais ce ne sera jamais que provisoire "dans le métier (l’herfa), nous sommes habitueé à jouer au chat et à la souris, commentent les gens de Jorf El Melha. Et s’il faut en sacrifier quelques-uns, soit, c’est le risque du métier".

Variétés et prix
Il y autant de variétés de cannabis que de tribus qui en cultivent. Mais on les regroupe communément en 5 "grandes familles" : la "Ghmariya", la "ghzawiya", la "chaouniya", la "messariya" et la "zeroualiya".La "qualité" de la résine est fonction du nombre de "battages" (du kif brut) qu’il a fallu pour l’obtenir. Le premier battage donne la première qualité, le second battage la seconde qualité, etc.
Ghmariya
1ère qualité : 5000 à 7000 DH/kilo
2ème qualité : 4000 à 6000 DH/kilo
3ème qualité : 3000 à 5000 DH/kilo
4ème qualité : 2000 à 3000 DH/kilo
Ghzawiya et Chaouniya
1ère qualité : 3000 à 4000 DH/kilo
2ème qualité : 2000 à 3000 DH/kilo
3ème qualité : 1000 à 2000 DH/kilo
4ème qualité : 300 à 1000 DH/kilo
Messariya et Zeroualiya
1ère qualité : 2000 à 2500 DH/kilo
2ème qualité : 1500 à 2000 DH/kilo
3ème qualité : 1000 à 1500 DH/kilo
4ème qualité : 150 à 1000 DH/kilo

Tarifs et techniques de transport du cannabis...
...Destiné au marché marocain
Petites quantités
Les tablettes de résine sont disposées sous les vêtements des passeurs, autour de la taille et du buste. Une femme peut en transporter jusqu’à 5 kilos, un homme jusqu’à 10 kilos. Les hommes se déplacent le plus souvent dans des grands taxis, les femmes dans des autocars. Les passeurs des deux sexes touchent 250 DH par kilo transporté.
Quantités moyennes
180 à 240 kilos de résine (partagés en colis de 30 kilos chacun) sont camouflés dans des Mercedes 280, des Renault 25 ou des Peugeot 405. L’avantage, sur ces voitures "basses" (contrairement aux 4x4, par exemple), c’est que les surcharges ne se remarquent pas trop. Elles sont souvent volées, numéro de châssis effacé, et plaques contrefaites. Le chauffeur touche 2000 DH par voyage, plus 3000 DH pour les "frais" : carburant et pots de vins pour les barrages non contournés (200 DH le passage).
Grosses quantités
Les chargements se chiffrent en tonnes, et voyagent en camion, le poids transporté variant en fonction du tonnage du camion. Dans la grande majorité, les chauffeurs sont à la solde des gros producteurs/distributeurs, dits abatira (parrains). Ils empruntent les grands axes en corrompant les responsables des barrages. Le tarif du passage est le même que pour les chargements moyens : 200 DH par barrage.
...Destiné à être "coupé"
Petites quantités
Le cannabis est transporté sous forme de poudre. Les porteurs (toujours des hommes) en transportent 10 à 30 kilos chacun (tarif : 100 DH le kilo transporté) et n’empruntent jamais les routes principales, ni secondaires. Ils passent toujours par les pistes inter-douars, à travers les montagnes. Le principe de la ligne droite est la règle de base dans le choix de l’itinéraire. Vu les dangers encourus, les porteurs sont toujours munis de poignards ou de faucilles, et de bombes lacrymogènes.
Quantités moyennes
Autour de 60 kilos de poudre de cannabis, transportée à dos de mulet. Chaque mulet transporte 25 kilos en moyenne, et chaque convoi est composé de 3 mulets, conduits par un passeur armé d’un fusil de chasse. Coût du transport : 1000 DH par mulet et par jour (le voyage peut durer jusqu’à 3 jours). Les convois passent par les forêts et les mulets, dressés, connaissent l’itinéraire par cœur. Lorsqu’ils se retrouvent séparés de leur meneur, ils rebroussent chemin et reviennent seuls à leur point de départ.
Grosses quantités
Au delà de 100 kilos, toujours de poudre de cannabis, répartis en colis moyens de 25 kilos. Les chargements sont transportés soit à dos de mulet (au moins 2 convois – toujours à 1000 DH par mulet et par jour), soit en voitures "hautes", type 4x4 ou fourgonnette (les convois excèdent rarement 3 voitures). Une voiture peut charger jusqu’à 60 kilos de poudre. Tarif du transport : 1000 DH par voiture et par voyage.
...Destiné à l’export
Petites quantités
Ce n’est pas très fréquent, mais certains étrangers achètent moins de 100 kilos de résine. Ceux-là viennent chercher la marchandise eux-mêmes, sur le lieu de production, et la chargent dans leur voiture personnelle. Ils peuvent être accompagnés d’un guide (1000 à 2000 DH par trajet), pour définir le meilleur itinéraire et fournir les "astuces" pour passer la douane sans encombre. L’acheteur, c’est évident, passe la douane lui-même.
Quantités moyennes
De 100 à 500 kilos. Si la marchandise doit passer la douane, elle est camouflée par des "mécaniciens" dans les véhicules des acheteurs (coût du camouflage : 6 à 8000 DH par véhicule). Les hommes des acheteurs s’occupent eux-mêmes de la douane, et conduisent ces véhicules jusqu’en Europe. Si la marchandise doit quitter le Maroc en canot pneumatique ou en voilier, elle est transportée jusqu’à la côte en voiture, par des chauffeurs recrutés spécialement par le producteur – lequel majore le prix de vente en conséquence.
Grosses quantités
Au delà de 500 kilos destinés à l’export, l’acheteur étranger n’apparaît pas. Dans des sacs de 25 kilos chacun, le cannabis est transporté en camion, par des chauffeurs à la solde des gros barons marocains. Direction : des hors-bord mouillant entre Jebha et Sebta, sur la côte méditerranéenne. La zone étant sous contrôle militaire, les camions déchargent sur la route. Des hommes de la région prennent 500 DH par sac, et descendent les falaises jusqu’à la mer. Les conducteurs des hors-bord sont aussi à la solde des barons.
TelQuel Magazine Par Chadwane Bensalmia
Et Bravo Encore

Maroc: la production de cannabis atteint 47.000 tonnes par an

Le Maroc produit annuellement 47.400 tonnes de cannabis brut, représentant un chiffre d'affaires estimé de 12 milliards de dollars sur le marché mondial, révèle un rapport de l'Onu publié lundi à Rabat.
La culture illicite qui couvre 134.000 hectares du Rif, au nord du royaume, ne rapporte que 214 millions de dollars aux agriculteurs marocains concernés, précise l'étude menée conjointement par l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et les services officiels du Maroc. Le rapport, premier du genre concernant le cannabis, a été présenté à Rabat, au cours d'une conférence de presse, par les responsables de l'ONUDC et de plusieurs ministères marocains concernés par la lutte contre la drogue.Driss Benhima, directeur général de l'Agence pour le développement du nord du Maroc, a souligné que l'enquête, réalisée avec un organisme de l'Onu "au-dessus de tout soupçon", montrait des chiffres "nettement inférieurs", selon lui, à certaines estimations qui avaient été faites.Il n'en a pas moins souligné l'extension du problème et les difficultés de la lutte contre cette production qui concerne 66% des 146.000 familles de la région - quelque 800.000 personnes tributaires de la drogue pour 51% de leurs revenus.Antonio Maria Costa, directeur exécutif de l'ONUDC, a souligné quelques "bonnes nouvelles" du rapport, notamment la faible part que prend la drogue aussi bien dans le revenu national - 0,57% du PIB - que du point de vue de la proportion du territoire et de la population concernés.Les autorités marocaines ont souligné la "responsabilité partagée" entre les producteurs marocains de cannabis et les pays consommateurs, responsables de la demande de haschisch mais aussi d'une grande partie du trafic de la drogue - dont ils retirent l'essentiel des revenus.En 2001, l'Agence marocaine pour le développement du nord avait estimé à 70.000 hectares la superficie dévolue à la culture du cannabis dans la région du Rif.Le chiffre publié lundi - 134.000 hectares - a été calculé de manière "scientifique" en utilisant des images du satellite "Spot" prises au cours de l'été 2003, vérifiées et "calibrées" sur le terrain par des enquêteurs, a souligné M. Benhima qui a insisté sur "la volonté du Maroc d'avoir des données incontestables".Les 47.000 tonnes de cannabis brut cultivés représentent une production de 3.080 tonnes de résine de cannabis (haschisch), forme sous laquelle la drogue est vendue, précise le rapport.Les saisies de haschisch d'origine marocaine opérées en 2002 au Maroctonnes) et en Europe de l'ouest (735 tonnes) ont représenté environ le quart de la production, souligne le rapport.Les reponsables marocains ont assuré que le développement des zones de culture était "stabilisé", tout en soulignant les difficultés de la lutte contre la drogue dans le Rif, une région à la fois montagneuse, très peuplée et enclavée.M. Benhima a rappelé que plusieurs programmes en cours visaient le désenclavement et de développement économique de la région, tout en soulignant que cela resterait insuffisant au regard d'un phénomène "dont les facteurs de croissance échappent au Maroc".Il a appelé à la "coopération internationale indispensale" en soulignant que que les solutions passaient par l'introduction de cultures de substitution, de nouvelles infrastructures et par la modernisation de l'organisation sociale de la région.
AFP